Mardi 28 Mai 2013 à 18:00
Laurent Mauduit*
En voulant aller vite, le gouvernement prend donc le risque de faire l'impasse sur un débat majeur : croit-on vraiment qu'il est possible de rétablir l'équilibre des régimes de retraite dans un contexte de chômage historique?Manifestation des retraités pour protester contre la baisse de leur pouvoir d'achat et d'éventuelles baisses du montant des pensions - GIRAUD FLORE/SIPA
Est-ce de la désinvolture ? Ou bien de la maladresse ? Voire du cynisme ? En tout cas, le fait est là, stupéfiant : le gouvernement a lancé la prochaine réforme du système des retraites de la plus mauvaise des façons. Comme s'il se moquait éperdument des réactions d'indignation que cela pourrait susciter dans l'opinion et notamment dans les milieux les plus modestes.
Ce qu'il y a de stupéfiant, c'est d'abord la forme retenue par l'Elysée et Matignon pour promouvoir cette réforme. Nulle véritable concertation ! Nul débat approfondi pour tenter de trouver des pistes nouvelles ou originales - il en existe ! - qui n'aggravent pas encore davantage la politique d'austérité. C'est à la hussarde que les dirigeants socialistes ont visiblement choisi d'agir. Après le défilé au pas de course, le 13 mai, de tous les dirigeants syndicaux et patronaux dans le bureau du Premier ministre, puis un nouvel et bref échange, les 20 et 21 juin, à l'occasion de la prochaine conférence sociale - qui aura de nombreux autres dossiers à son ordre du jour -, la consultation, si on peut appeler cela ainsi, sera bouclée. Et, en deux temps, trois mouvements, un projet de loi sera couché sur le papier pour être entériné à l'automne par le Parlement. Au diable la démocratie sociale ! C'est donc au pas de charge que tout cela va être mené. A la baguette ! Et s'il en sera ainsi, si les partenaires sociaux n'auront quasiment pas leur mot à dire, c'est que, sur le fond, les dés en sont déjà jetés. François Hollande n'a en effet pas même pris soin de sauver les apparences et de faire croire que toutes les bonnes idées étaient les bienvenues. Non, dès le 28 mars, il a signifié par avance, sur France 2, que, pour financer les 20 milliards d'euros de déficit des régimes de retraite attendus en 2020, « il va falloir faire des efforts », et notamment accepter un allongement des durées de cotisation. « Ceux qui auront cotisé longtemps devront partir à temps. Mais la durée de vie s'allonge. La durée de cotisation devra s'allonger aussi », a-t-il prévenu. Plusieurs ministres ont, dans le même temps, suggéré qu'une désindexation des retraites pourrait venir compléter la réforme. Ceci explique donc cela : à quoi bon en effet organiser des palabres interminables pour savoir s'il vaut mieux augmenter les durées de cotisation, baisser les prestations, majorer les cotisations ou chercher encore d'autres pistes alternatives, si le chef de l'Etat s'est autorisé à trancher le débat avant même qu'il ne soit officiellement ouvert ? On comprend mieux, dans ces conditions (assez peu démocratiques), que le gouvernement ait préféré ne pas s'embarrasser d'une trop longue concertation. François Hollande et Jean-Marc Ayrault en 2003 débattant sur la réforme Fillon prévoyant pour les retraites un allongement de la durée de cotisations - CHAMUSSY/SIPA
Ce choix d'une méthode autoritaire et rapide présente toutefois de graves dangers. A cela, il y a une première raison - qui renouvelle fortement les controverses habituelles autour de la réforme des retraites. |