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13 décembre 2012 4 13 /12 /décembre /2012 13:50
 

Après avoir été malmené sous Nicolas Sarkozy, le Smic, qui figure parmi les principaux acquis sociaux des salariés les plus modestes, pourrait bien connaître de nouvelles vicissitudes sous la gauche, sinon même être purement et simplement démantelé. C’est en tout cas ce que suggèrent les dernières recommandations du groupe d’experts chargés d’éclairer le gouvernement avant toute mesure de revalorisation. À l’approche du 1er janvier 2013, date légale de la prochaine revalorisation, ce groupe d’experts avance en effet des suggestions sulfureuses. Pour le court terme, il recommande de revoir fortement à la baisse les modalités d’indexation du Smic et, pour le long terme, de le démanteler purement et simplement en avançant vers un Smic-jeunes ou des Smic régionaux. Autant de pistes qui dans le passé ont conduit à des flambées de colère sociale dans le pays.

 

Au terme de la loi, un groupe d’experts, qui est actuellement présidé par Paul Champsaur (président de l’Autorité de la statistique publique) et qui comprend Martine Durand (directrice des statistiques de l’OCDE), Gilbert Cette (économiste à la Banque de France), Francis Kramarz (professeur à l’École Polytechnique) et Étienne Wasmer (professeur à Sciences-Po), est effectivement chargé de faire des recommandations au gouvernement. En prévision de la prochaine revalorisation qui doit intervenir le 1er janvier 2013, ce groupe vient donc de mettre la dernière main à son rapport, qui est daté du 26 novembre.

Et c’est ce rapport qui contient ces recommandations explosives.

 

Téléchargement >    Smic: le rapport du groupe des experts

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Pour comprendre les préconisations de ces experts, il faut avoir à l’esprit que depuis de longues années, le salaire minimum bénéficie de deux types de revalorisation. D’abord, il y a l’indexation légale : le Smic est chaque année (au 1er juillet autrefois, au 1er janvier depuis peu) revalorisé du montant de l’inflation majoré de la moitié des gains du pouvoir d’achat ouvrier. Mais la loi donne la faculté au gouvernement d’aller au-delà et de donner ce que l’on a coutume d’appeler un « coup de pouce » (voir ici la définition de l'Insee).

 

Or le gouvernement veut modifier ces règles, comme l’explique le rapport de ces experts : « Le gouvernement a indiqué lors de la “Grande conférence sociale” de juillet 2012 son intention de faire évoluer les règles du SMIC, notamment s’agissant des critères de revalorisation automatique. L’hypothèse d’une indexation, le cas échéant partielle, sur le taux de croissance de l’économie a été évoquée. »

 

C’est donc la raison pour laquelle les experts, cette fois, ne se bornent pas à faire leur traditionnelle recommandation de modération salariale, mais font des propositions beaucoup plus radicales.

 

D’abord, ils écartent la piste un moment évoquée par François Hollande d’une indexation sur la croissance. Et l’argument qu’ils évoquent pour exclure cette solution retient l’attention. Ils ne font en effet pas valoir qu’une telle indexation serait très défavorable aux salariés, puisque cela équivaudrait à une stagnation du Smic en période de croissance zéro et donc à une baisse de son pouvoir d’achat au prorata de l’inflation. Non ! Si les experts écartent cette hypothèse, c’est seulement pour une raison technique : « Il n’est pas souhaitable de baser la revalorisation automatique du SMIC sur de nouveaux indicateurs qui seraient issus de la comptabilité nationale, notamment ceux faisant référence à la croissance du PIB. Les révisions à la hausse ou à la baisse de ces indicateurs soulèveraient en effet de grandes difficultés au moment de leur prise en compte dans la fixation du SMIC. Or ces révisions peuvent à la fois intervenir tardivement et être de grande ampleur. Les chiffres du PIB sont en effet susceptibles d’être révisés pendant trois années après la période de référence et ensuite périodiquement à l’occasion des changements de base des comptes nationaux. Des révisions de l’ordre de 1 point sur le taux de croissance annuelle du PIB ont été observées », font-ils valoir.

 

Vers un Smic-jeunes ou un Smic régionalisé

 

Car sur le fond, le groupe d’experts est bien d’accord avec cette même philosophie : il faut fortement revoir à la baisse les modalités d’indexation du Smic. Dans des formules jargonnantes particulièrement hermétiques, il évoque ainsi cette première piste : « Les risques d’une dynamique spontanée non contrôlée du SMIC en cas d’inflation particulièrement volatile pourraient inviter à prévoir une fongibilité au moins partielle des termes de la revalorisation que sont l’indice des prix à la consommation de l’Insee et le demi pouvoir d’achat du salaire horaire de base ouvrier mesuré par l’enquête du ministère du travail. Cela reviendrait, en cas de baisse des prix par exemple, à imputer une partie des gains de pouvoir d’achat du salaire horaire brut ouvrier liés à cette baisse des prix sur ceux qui résultent du principe de non indexation du SMIC sur les prix en baisse. » Traduction en version décodée : il serait judicieux que l’indexation automatique cesse d’être… automatique quand elle est avantageuse pour les salariés.

 

Une deuxième piste est évoquée, visant à prendre dans le système d’indexation non plus le salaire ouvrier pour référence, mais un agrégat salarial qui évolue de manière moins dynamique.

 

La troisième piste est du même acabit : le groupe recommande de prendre pour référence non plus l’indicateur d’inflation habituel mais un indicateur qui évolue là encore de manière moins dynamique. Et dans une formule alambiquée, les experts recommandent les « coups de pouce » les plus faibles possibles. Et sans rire, ils osent écrire que ce serait plus conforme « à l’intérêt conjoint des salariés et des entreprises qui les emploient ».

 

Mais nos rapporteurs n’en restent pas là. Ils suggèrent aussi, « à plus long terme », que des réformes plus radicales soient envisagées. Et c’est là que le groupe fait des préconisations qui risquent de déclencher un tollé.

 

Les experts s’étonnent d’abord de « l’homogénéité géographique du Smic, alors que les niveaux de prix différent fortement entre régions ». Cette piste de la régionalisation du Smic est une bombe. Voilà en effet plus de trente ans que le patronat plaide en ce sens, mais aucun gouvernement, de droite ni de gauche, n’a jamais osé franchir le Rubicon, qui constituerait un véritable chiffon rouge pour tous les syndicats.

 

Les mêmes s’étonnent ensuite de « l’homogénéité du Smic selon l’âge, alors que l’insertion sur le marché du travail des moins de 25 ans est difficile ». En clair, les experts recommandent donc une différenciation du Smic selon l’âge. Cette proposition est tout aussi sulfureuse que la précédente, car cela pourrait conduire à l’instauration d’un « Smic-jeunes ». C’est cette piste qui sous le gouvernement d’Édouard Balladur, en 1994, avait fait descendre dans la rue des centaines de milliers de lycéens et d’étudiants, contraignant le premier ministre de l’époque, après plusieurs semaines de tempête sociale, à reculer.

 

Les experts invitent même le gouvernement à  se demander s’il ne faut pas démanteler totalement le Smic ou le supprimer purement et simplement. C’est suggéré de manière pas même discrète. Les experts pressent en effet le gouvernement à réfléchir au « principe même d’une revalorisation automatique ou au moins d’une revalorisation automatique dépassant le simple maintien du pouvoir d’achat du salaire minimum » ; et à réfléchir aussi au « fait que le Smic n’est pas un instrument efficace de lutte contre la pauvreté et les bas revenus ». Fort de ce parti pris qui n’est évidemment pas établi, les rapporteurs suggèrent donc qu’on ferait aussi bien de se passer une bonne fois pour toute du Smic et de ne garder qu’un seul instrument de lutte contre la pauvreté, le Revenu de solidarité active (RSA).

 

Cette position réjoint les thématiques des courants les plus libéraux selon lesquels l'État doit légiférer le moins possible en matière de droit du travail et seulement faire office de voiture-balai en corrigeant les pires excès de la pauvreté.

 

Lisant ces lignes, on pourrait certes penser que ces préconisations explosives n’engagent en rien le gouvernement. Or, si ! Tout est là : d’abord parce que c’est le gouvernement qui a pris la décision de lancer une réforme des modalités d’indexation. Et puis surtout, cette proposition de réforme est l’aboutissement d’une histoire longue, qui a vu travailler main dans la main des économistes proches des socialistes et des experts de droite ou proches des milieux patronaux. C’est même l’ultime rebondissement d’une histoire longue dans laquelle François Hollande a joué un rôle de premier plan.

 

Denis Olivennes et Alain Minc en éclaireurs

 

C’est dans le courant des années 1990 qu’une ribambelle d’experts commencent à partir à l’assaut du Smic. Pour le compte de l’ex-Fondation Saint-Simon, Denis Olivennes, à l’époque haut fonctionnaire, devenu depuis le patron du pôle médias du groupe Lagardère, écrit ainsi en février 1994 une note qui fait grand bruit. Intitulée La préférence française pour le chômage, et publiée peu après par la revue Le Débat (1994, n°82), elle défend la thèse très libérale selon laquelle des salaires trop élevés en France ont contribué à pousser le chômage à la hausse. La démonstration est en vérité très contestable, car depuis le tournant de la « rigueur » des années 1982-1983, c'est à l'inverse la « désindexation compétitive » (en clair, la rigueur salariale) qui est l'alpha et l'oméga des politiques économiques conduites par la droite et par la gauche.

 

Il n'empêche. Au sein de la deuxième gauche, la note fait sensation. Mais tout autant à droite, notamment dans les rangs des partisans d'Édouard Balladur. À l'époque, ce dernier prépare sa rupture avec Jacques Chirac et veut commencer à dessiner ce que pourrait être son programme de candidat à l'élection présidentielle. Pour cela, il a donc l'idée d'utiliser un ami… Alain Minc : il le nomme à la présidence d'une commission qui, sous l'égide du Commissariat général du Plan, est chargée d'élaborer un rapport sur « La France de l'an 2000 ».

 

Pour Alain Minc, qui devient à quelques mois de l'élection présidentielle de 1995 président du conseil de surveillance du Monde, l'offre ne peut mieux tomber. À la tête du plus prestigieux des quotidiens français qu'il va pouvoir instrumentaliser à sa guise ; en position, au travers d'AM Conseil, de conseiller une bonne partie des patrons du CAC 40 ; et maintenant à la tête de la commission chargée d'élaborer le programme de celui des hommes politiques qui est donné favori à l'élection présidentielle : c'est pour lui la consécration. À la tête de cette commission du Plan, il se jette dans la campagne présidentielle.

 

 Et de qui s'inspire-t-il pour conduire les travaux de sa commission ? On l'aura deviné : de Denis Olivennes ! Faisant sienne la thèse de la note de la Fondation, le rapport de Minc recommande une politique de rigueur accentuée : « La société française a fait, consciemment ou non, le choix du chômage […] La Commission pense que le coût salarial par tête […] doit augmenter moins vite que la productivité. » Et d'ajouter, au sujet du Smic : « La Commission a fait le choix d'une solution “raisonnable” : au minimum, remettre en cause le principe des coups de pouce […] ; et au maximum, revenir à la simple indexation sur les prix » (au lieu du dispositif légal qui prévoit chaque 1er juillet une indexation sur les prix, majorée de la moitié de la hausse du pouvoir d'achat du salaire ouvrier). C'est donc bel et bien l'austérité salariale que recommande Alain Minc.

 

Dès cette époque, Alain Minc, très proche d'Édouard Balladur et de son bras droit Nicolas Sarkozy, travaille donc main dans la main avec Denis Olivennes. L’un et l’autre font partie des cibles de Jacques Chirac quand il part en guerre contre la « pensée unique » (lire Alain Minc et Denis Olivennes célèbrent la « pensée unique »).

 

Puis, dans le courant des années 2000, c’est un économiste moins connu, Gilbert Cette, dont le port d’attache est la Banque de France et qui fait partie de l’actuel groupe d’experts à l’origine de ce sulfureux rapport, qui prend le relais, multipliant les rapports en faveur d’un démantèlement du Smic. Longtemps proche de Martine Aubry et aujourd’hui président de l’Association française de science économique, il s’illustre en applaudissant bruyamment la politique d’austérité salariale conduite lors du précédent quinquennat. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle est violente.

 

Gilbert Cette, l'économiste de droite et de gauche

 

Pour la première fois depuis la création du Smic en janvier 1970 (il est le prolongement du Smig, créé lui en 1950), Nicolas Sarkozy fait en effet le choix de ne procéder à aucun « coup de pouce » en faveur du salaire minimum. Multipliant les cadeaux fiscaux à ses richissimes amis du Fouquet’s, il se montre d’une rigueur extrême à l’encontre des salariés les plus modestes. Et durant toutes ces années, l’économiste Gilbert Cette appuie non seulement cette politique socialement inéquitable, mais de surcroît, il plaide déjà pour que le salaire minimum soit remis en cause. Avec deux autres économistes, à l'époque membres comme lui du Conseil d’analyse économique, il  cosigne ainsi en mars 2008 un rapport, révélé peu après par Mediapart (lire Un rapport officiel veut casser le Smic), proposant de remettre en cause le salaire minimum.

 

Et le plus stupéfiant de l’histoire, c’est que Gilbert Cette reste pour la direction socialiste un économiste parfaitement fréquentable. Dans un premier temps, on peut certes penser qu’il a perdu un peu de son autorité académique. Car, au printemps 2011, quand le projet socialiste est élaboré (on peut le consulter ici), c’est une orientation radicalement opposée qui prévaut. À la page 14 de ce document, l’engagement est en effet clairement consigné : « Le Smic constitue un levier à court terme pour améliorer les conditions de vie des plus modestes et stimuler la consommation. La revalorisation de son pouvoir d’achat sera engagée après des années d’abandon par la droite. »

 

Mais, durant l’été 2011, alors que se préparent les primaires socialistes, François Hollande et ses proches débattent du sujet et ne manifestent guère d’enthousiasme pour cette revalorisation du Smic. Et cela transparaît publiquement quand François Hollande organise le 24 août 2011 à la Maison de l’Amérique latine, une première réunion avec des économistes qui lui sont proches (lire L’énigme François Hollande).

 

L’un des économistes présents, en effet, n’est autre que… Gilbert Cette, que l’on voit apparaître dans la vidéo ci-dessous, résumant les travaux de cette journée aux côtés de Karine Berger ou encore de Jérôme Cahuzac.

 


Réunion des économistes autour de François... par francoishollande


 

Ce 24 août 2011, Gilbert Cette repart donc à la charge contre le Smic. Et le plus étonnant, c’est que ce qu’il dit est retenu comme parole d’évangile. On en trouve trace dans le compte-rendu officiel (il est ici) de la troisième table ronde qui a lieu ce jour-là, dénommée – ce n’est guère enthousiasmant ni mobilisateur : « Concilier pouvoir d’achat, compétitivité, et consolidation des finances publiques ».

 

Cela commence par l’énoncé suivant : « Cette troisième table ronde a permis de définir des pistes de conciliation entre, d’une part, la sauvegarde du pouvoir d’achat et, d’autre part, deux forces contraires : un regain de compétitivité qui plaide pour une modération salariale et un contexte de sobriété budgétaire susceptible de toucher les dépenses dont bénéficient les foyers modestes. »

 

Autrement dit, la table ronde fait siens tous les poncifs réactionnaires de la politique libérale, qui a été le socle des politiques économiques suivies par la droite comme par la gauche depuis le virage de 1982/1983 : une politique salariale trop généreuse fait le lit du chômage et nuit à la compétitivité. Cela a été en particulier le credo de Pierre Bérégovoy comme celui d’Édouard Balladur. Il faut donc conduire une politique de l’offre plutôt qu’une politique de la demande. Tout est dit dans cette formule : il faut privilégier « un regain de compétitivité », et cela « plaide pour une modération salariale ».

 

Et le compte-rendu officiel poursuit : « S’agissant des classes populaires, les participants font le constat d’un tassement de l’échelle des salaires lié à une progression du Smic plus rapide que celle du salaire médian. Les intervenants se sont accordés pour dire qu’un Smic élevé n’est pas le meilleur outil de soutien aux plus modestes, les dispositifs de solidarité de type RSA ou PPE étant mieux adaptés car sans incidence directe sur le coût du travail. Ces outils pourront être évalués et ajustés, mais les moyens qui leur sont alloués devront être ménagés afin que la phase de désendettement ne génère pas de nouvelles inégalités. » Plus brutalement dit, si « un Smic élevé n’est pas le meilleur outil », on peut en déduire qu’il ne faudrait donc pas donner de « coup de pouce » au Smic.

 

Les ravages de la “pensée unique”

 

En quelque sorte, les économistes proches de François Hollande donnent donc raison, sans le dire ouvertement, à Nicolas Sarkozy de ne pas avoir donné de « coup de pouce » au Smic et prennent donc leur distance avec le projet du PS.

 

Quand François Hollande publie son programme présidentiel en janvier 2012, il n’est donc pas fait mention d’un « coup de pouce » au Smic : le candidat socialiste viole ouvertement le projet de son propre parti et fait quasiment l’impasse sur la question du pouvoir d’achat. Tout juste préconise-t-il quelques mesures : « 1. Une nouvelle tarification progressive de l'eau, du gaz et de l'électricité ; 2. Baisse des frais bancaires et valorisation de l’épargne populaire ; 3. Lutte contre la spéculation sur les prix de l'essence ; 4. Fiscalité : protéger le pouvoir d'achat des classes moyennes et populaires ; 5. Augmentation de 25 % de l'allocation de rentrée scolaire ; 6. Encadrement des loyers ; 7. Baisse du prix des médicaments. » Mais du Smic, il n’est pas question (lire Pouvoir d’achat : le débat escamoté).

 

Dans les semaines qui suivent, François Hollande devine-t-il pourtant que l’élection présidentielle est très serrée et qu’il aurait tout de même intérêt à prendre en engagement, aussi modeste soit-il, sur le Smic, face notamment à Jean-Luc Mélenchon qui prône un « Smic à 1 700 euros brut par mois pour 35 heures, conformément aux revendications syndicales, et 1 700 euros net pendant la législature » ? C’est donc ce qu’il fait : du bout des lèvres, durant la campagne, il consent finalement à dire qu’il est favorable à un « coup de pouce », même si ce n’est pas consigné dans son programme.

 

Quelques jours après sa victoire à l’élection présidentielle, à l’occasion de son premier entretien télévisé sur France 2, il n’a donc d’autres solutions que de dire qu’il tiendra parole et que le Smic sera revalorisé au 1er juillet suivant. Mais déjà, on ressent percer dans le propos présidentiel une infinie précaution.

 

Et dans les jours qui suivent, on comprend vite que François Hollande est totalement en arrière de la main : le gouvernement annonce en effet que le 1er juillet 2012, le salaire minimum ne sera revalorisé que de 2 %, soit, hors inflation, un « coup de pouce » de seulement 0,6 %. À la différence de tous les gouvernements qui se sont donc constitués au lendemain d’une alternance et qui se sont souvent montrés très généreux, y compris les gouvernements de droite (+4 % en 1995, lors de la constitution du gouvernement Juppé, par exemple), celui de Jean-Marc Ayrault caresse le « peuple de gauche » totalement à rebrousse-poil et ne consent qu’à une minuscule aumône. Le « coup de pouce » accordé par François Hollande correspond en effet à une revalorisation du Smic de 6,45 euros par mois ou si l’on préfère d’environ… 20 centimes par jour ! Une misère…

 

Et dans la foulée, le gouvernement fait clairement comprendre que le temps de ces maigres générosités est définitivement révolu et que le groupe des experts en charge des recommandations sur le Smic – nous y voilà – va se mettre au travail d’ici la fin de l’année afin de proposer une réforme de l’indexation du Smic.

 

Sans même attendre que le groupe d’experts dont il fait partie réponde à la sollicitation du gouvernement, le même Gilbert Cette décide donc de partir en éclaireur et de rédiger un premier rapport de son cru, avec l’aide d’un autre économiste, Étienne Wasmer, sous l’égide de Sciences Po. Cet économiste, Étienne Wasmer, est comme Gilbert Cette, membre du groupe des experts chargés de faire des recommandations sur le Smic.

 

Publié dans le courant du mois de novembre, ce rapport est un véritable brûlot.

 

Téléchargement >     Smic: le rapport Cette-Wasmer

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Si on lit ce rapport, on comprend vite que c’est lui qui est à l’origine de toutes les recommandations qui proposent de démanteler le Smic. Le rapport du groupe des experts a d’ailleurs la franchise de l’admettre : il n’a fait quasiment que recopier les propositions de régionalisation du Smic-jeunes ou de régionalisations du Smic proposées dans un premier temps par Gilbert Cette et Étienne Wasmer, dans leur rapport rédigé sous l’égide de Sciences-Po. Le gouvernement peut donc difficilement dire que ce rapport ne l’engage pas. Car c’est un économiste proche de François Hollande qui en est le principal inspirateur.

 

Cette piste de réforme n’est certes pas la seule qui soit aujourd’hui à l’étude. Dans le même temps, une sous-commission de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC) planche aussi sur les modalités d'indexation. Et elle a visiblement une conception du débat démocratique et du pluralisme qui n’a rien à voir avec la « pensée unique » en vigueur au sein du groupe officiel d’experts. À preuve, des économistes opposés au démantèlement du Smic ont aussi pu y exposer leur point de vue, tel l’économiste de l’Institut de recherche économique et social (Ires), Michel Husson qui, s’exprimant au nom de la CGT, a vivement défendu le Smic et ses effets sociaux vertueux. On trouvera ci-dessous le point de vue qu’il a défendu lors de son audition.

 

Téléchargement >       Smic: le rapport Husson

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L'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a, de son côté, publié récemment une étude allant dans le même sens, contestant que des hausses du salaire minimum ont des effets pernicieux (lire Smic: l'OFCE met en cause la doxa officielle).

 

Il n’empêche ! Après le cadeau de 20 milliards d’euros offert sans contrepartie aux entreprises sous forme de crédit d’impôt ; après l’oubli par le chef de l’État de sa promesse faite aux sidérurgistes de Florange, c’est un séisme social majeur que le gouvernement pourrait enclencher en dégoupillant la bombe que Gilbert Cette a préparée sur le Smic. Car il s’agit ni plus ni  moins que de mettre en œuvre une réforme dont rêve le patronat depuis plus de trois décennies et qu’aucun gouvernement de droite n’a osé initier. Ce qui risque de susciter l'indignation du mouvement syndical et des associations et syndicats de lycéens et d'étudiants.

 

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